[Jonah]

Voici un article parus dans un célebre magazine féminin:

NOUVEAUX LIBERTINS OU VRAIS CRETINS ?

Dutronc avait un joujou extra, un truc qui faisait crac boum hue pour draguer les filles. Eux ont des techniques qui empruntent à l’hypnose, à la sociologie ou à la programmation neurolinguistique. Bienvenue chez les « PUA », ces séducteurs compulsifs qui tentent de faire école…
Article par Valérie Hérau

« Je n’arrive pas à dire si la fille que j’ai sargée est une LTR potentielle » interroge Jibril, en proie à des doutes sérieux. « Je pense que l’attract value est ce qui va faire qu’une fille va s’autoriser à laisser sa buying temperature monter » constate pour sa part Spike, tandis que son copain Frenchkiss conseille : « La meilleure façon pour évaluer votre progression en phase A2 est de tester régulièrement le niveau d’intérêt de la fille en surveillant tout SOI ». Ou que son compère Phenix s’exalte : « Vous pouvez sarger seul, sans wing, dans le métro, à la boulangerie, des HB10 comme des HB6, LES comme HSE ! ».

Mais de quoi parlent ses garçons ? Et en quelle langue ?

En fait, tout simplement de vous, de nous, des filles, des meufs et de la meilleure façon de les faire marcher. Ils répandent leur bonne parole sur le site www.frenctouchseduction.com, étrange repaire de jeunes types plutôt brillants et presque rigolos, qui se sont autoproclamés des « PUA », de l’anglais « pick up artists » - artistes de la drague en VF – et entendent faire profiter leurs confrères moins doués de leurs lumières (et éventuellement en tirer quelques pépettes, tous ces « artistes » animant par ailleurs conférences, séminaires ou ateliers de coaching divers…).

D’autres sites comme www.superseductueur.com ou www.secretsseduction.com, quoiqu’un peu moins fortiches sur la théorie et plus ouvertement marchands, labourent le même sillon…

Evidemment, nos PUA français n’ont pas trouvé ce trip tout seuls. Le mouvement a démarré aux Etats-Unis dans les années 90, avec un certains Ross Jeffries, diplômé de sciences politiques, qui a jeté les bases de cette vision très manipulatrice de la séduction.

Sa technique, la « speed seduction » enseignée dans des séminaires, et son livre, How to Get the Women You Desire into Bed (« comment mettre dans votre lit toutes les femmes que vous désirez »), appliquent directement à la drague les principes de la programmation neurolinguisituque (PNL) : « ancrages », « connexions émotionnelles », « commandes cachées », etc. C’est à lui qu’on doit en partie ce vocabulaire très technico-psy, ce zeste d’hypnose et ce côté très sciences humaines habituellement peu répandus chez le dragueur de base…

Il aurait d’ailleurs inspiré le trouble personnage de Tom Cruise dans Magnolia. Gros succès en tout cas, faut croire qu’il y avait un besoin chez le mâle américain, peut-être plus malmené par le matriarcat ambiant que son collègue européen ! Les sites se sont mulitpliés, d’autres gourous sont apparus et ont leurs fans – y compris en France – où leurs e-books se taillent de petits succès. Eux et leurs adeptes constituent ce que les Américains appelent la communauté de la séduction…

Tout ceci pourrait sembler pathétique si l’on avait à faire à des play-boys faisandés livrant quelques trucs éculés à des losers de la drague. En fait, c’est plutôt fascinant…

Ces sites, les techniques de séductions qu’ils décryptent avec une précision maniaque et une modélisation quasi sicentifique, l’incroyable jargon qu’ils déploient pour nommer étape par étape tout ce qui fait qu’on finit parfois par donner son numéro à un garçon ou par prendre un dernier verre chez lui, donnent un peu le vertige.

Comment, pourquoi, des mecs jeunes, apparemment malins et normalement socialisés, peuvent-ils consacrer autant d’énergie et de jus de crâne à ce que la plupart des gens font en dilettante, maladroitement certes, mais avec un relatif succès…

Pourquoi transformer ce truc immémorial, hasardeux et naturel – la rencontre – en une sorte de jeu de rôle hypercodé ? Comme par hasard, les PUA s’appellent aussi entre eux « players » et parlent de « game » pour qualifier leur obsession de la conquête et leurs fameuses stratégies.

Car d’amour, bien sûr, ou de sexe, finalement il est assez peu question. Tout l’intérêt du game consiste apparemment à « closer » (c’est-à-dire à « conclure », qu’il s’agisse d’un « kissclose » ou d’un « fuckclose », traduisez vous-même), histoire de pouvoir, comme un pilote d’avion de chasse, arborer ses victoires sur le flanc de son appareil…

Si on était vache, d’ailleurs, on dirait que c’est ça, leur problème à tous ces petits gars : pas le moindre combat, pas la moindre aventure, pas la moindre chasse à l’éléphant pour assouvir leurs instincts de prédateurs !

Mais comme on est gentille, on dira plutôt qu’ils ne sont pas très loin – en beaucoup moins habillés et lettrés – des libertins du XVIIIe siècle, ces as du détournement de la mineure candide ou de l’épouse vertueuse.

Pas le niveau de Valmont, bien sûr. Mais celui de petits cousins un peu toc. Le genre qui s’ennuie tellement dans la vie qu’il ne lui reste que cette guéguerre en dentelles. Transposé, ça peut donner le cadre moyen 2007, qui n’a plus trop d’enjeux au boulot (économie en panne, baby boomers squattant les bons jobs) et fait son Casanova à la place.

Au-delà de ces nouvelles un peu curieuses du front des hommes, reste une question brûlante : sommes-nous un jour tombées, sans même le remarquer, sur un PUA ? Ou l’avons-nous confondu avec un banal gros lourd ? Trop dommage !"

Alors, le secret de la communauté serait menacé? Votre avis?