[Helmut]

Bonsoir,

Je m'intéresse à énormément de domaines : la philosophie, la littérature, l'histoire de l'art, l'histoire en général, la poésie, la psychologie, la psychanalyse, la mythologie, lareligion, la musique etc. à peu près tout ce qui a de près ou de loin un caractère littéraire m'attire.
Je souhaiterais exposer ici un problème que je rencontre vis-à-vis de mon apprentissage. C'est un problème de méthode plus que de pédagogie, j'en ai conscience, peut-être n'ai-je pas trouvé la mienne et c'est justement pour aller en ce sens que je consulte ici d'autres personnes.
Prenons l'exemple de la philosophie.
J'ai beau avoir pratiqué nombre de philosophes, je ne suis pas capable de dire ce que tel ou tel philosophe a véritablement pensé. J'adopte un certain état d'esprit, une vision du monde, une réalité comme une approbation ou une critique de leur pensée. Je me fais philosophe à les lire et j'en tire ma propre réflexion, je fais mienenes leur interrogations, leurs problématiques, leurs angoisses; je consulte même leur biographies, je vais jusqu'à me représenter leurs quotidiens, en cherchant des curiosités sur ce qu'ils mangeaient, sur ce qu'ils faisaient, sur quelles étaient leurs habitudes, etc.
En revanche je ne pourrais pas tenir dans une discussion où on parlerait de la pensée d'un philosophe. Mon savoir, s'il y en a, n'est pas synthétique, il n'embrasse pas les choses, il n'a aucune valeur d'accumumation, ou tout le moins, il n'est absolument pas de mémoire.
C'est peut-être ce dont je manque : en ce sens j'ai des connaissances très limitées lorsqu'il s'agit de parler d'histoire de la philosophie, d'histoire de l'art, d'historie universelle, de littérature.
Ainsi je pose ici les problèmes que je rencontre :
- Incapacité à construire un savoir synthétique, de considérer un domaine comme un tout.
- Evolution de ma connaissance par humeur. Je suis naturellement porté aux domaines que j'ai ci-devant cité par fantaisie. (Et comme je m'intéresse à beaucoup de choses, j'ai tendance un peu à me perdre et à me dissiper dans plusieurs domaines)
- Un problème de mémoire et d'assimilation de ce que je lis. Ca peut être dans ma méthode de lecture...
J'ai l'impression que j'ai beaucoup trop de recul par rapport à mes activités. Je ne m'implique pas emotionellement dans ce que je fais (alors qu'avant si) j'ai comme une sensation que je ne suis pas moi-même quand je vis mes passions, que je fais un métier ou que je joue un rôle. Chose difficile lorsqu'on sait qu'avec ce genre de passions, c'est surtout les considérations et les interrogations qui alimentent l'évolution.
J'ai aussi du mal à m'organiser. Je n'ai aucune méthodologie dans mon travail, je suis impulsif et plutôt fantaisiste, je travaille au flair et il me semble même que je ne comprends les choses que par là.
Par exemple, pour un ouvrage qui est synthétique (je ne sais pas, une Histoire de la littérature française par exemple) je n'ai aucune idée pour l'appréhender, faut-il le lire d'une traite mais avec attention et discernement, faut-il prendre des notes, et à quoi bon ?
À vrai dire c'est cette question qui revient, à quoi bon ? Ce n'est pas un manque de volonté, c'est caractéristique, c'est du nihilisme voilà, du nihilisme.
Peut-être que toutes ces interrogations viennent du fait que je n'ai que 19 ans et que je n'ai pas encore la maturité intellectuelle nécessaire pour aborder ce genre de choses.

[Oncle Barney]

Déjà, dans quel but tu t'intéresses à ça? Que cherches tu à obtenir?

(Et comme je m'intéresse à beaucoup de choses, j'ai tendance un peu à me perdre et à me dissiper dans plusieurs domaines)

C'est là assurément une chose qui te dessert. Tu me sembles être en mode goinfre, sans apprécier réellement les saveurs des différentes choses que tu ingurgites. Est ce que ça te parle?

Demande toi: comment le savoir est enseigné à l'université à travers le monde entier? Comment cela est il organisé?

[Helmut]

Je m'y intéresse depuis enfant. Ç'a toujours été mes centres d'interêt.
Pour ce qui est de m'intéresser à plusieurs choses, je fais beaucoup d'activités en parrallèle au quotidien. Je ne peux pas me consacrer pour une seule activité. J'ai comme une tension qui s'installe en moi. Ce qui peut être très paralysant pour un travail intellectuel.
Oui, il est vrai, en mode goinfre. Peut-être parce que je suis dépassé parce que je ne sais pas, peut-être que je cherche à atteindre un but à travers cela et que je ressens n'avoir rien fait pour sa réalisation jusqu'ici.

[AutelDuLustre]

Rien qu'à lire ton premier texte, je reconnais ton problème.

Je n'ai peut-être pas exactement le même mais peut-être sensiblement le même.

Je ressens beaucoup de perfectionnisme toxique dans ton propos. Se poser la question du "comment dois-je lire un livre ?" en parlant d'emblée de notes montre un paradigme de performance très fort. On voit que tu cherches la productivité maximale...
Et je sais que ce genre de pensées peut mener à des excès qui finalement dégoûtent de toute passion.

L'année dernière, j'en étais même arrivé à me faire des listes énormes de vocabulaire en recherchant chacune des dénotations d'un mot... J'analysais même chaque chapitre, lisais ensuite des critiques, en écrivais moi-même, etc.
La passion avait été remplacée par la performance. Pourquoi ? Parce que j'étais frustré comme toi de mon assimilation trop lente et pas assez efficiente de compétences/connaissances. Je faisais la même chose en sport je précise.

Tu as du mal à t'organiser car tu demandes trop à toi-même, tout simplement...

A mon avis tu penses ne rien pouvoir dire qu'un philosophe ou d'un livre car tu sous-évalues la pertinence de tes interventions. Etant perfectionniste, tu penses que tu dois livrer un discours exhaustif sur tes lectures.

Dans mon cas aussi, je suis plus intéressé par le fond que par ce qui entoure la connaissance. Je préfère donc appréhender les connaissances du livre de façon sélective pour ensuite l'intégrer à ma propre pensée. Si je présente ensuite un livre, je ne présente que le fond.
Es-tu pareil ? Mes interventions IRL sont appréciées, ainsi que sur internet... (critiques)

La connaissance peut être aussi latente. Difficile à mobiliser mais une fois stimulée, elle ressort facilement. Je ne me souviens d'aucune de mes formules de mathématiques de prépa (ou de très peu) mais il me suffit d'en revoir une pour réveiller les autres.
Es-tu capable de rebondir sur des discussions quand on parle d'une connaissance que tu as ?

La question finale : quel est le sens de tout ça ?
A une époque je lisais, au début par passion puis par vanité. Je voulais m'élever, me sentir tout-puissant, grandir.
Tu dis "il faut", mais il faut pourquoi ? Quand tu n'as plus de sens, c'est mort.

Pour la méthode cependant, voici ce que je retiens de mes expériences : lire une introduction au livre pour avoir un schéma général, lire le livre en synthétisant verbalement chaque chapitre, lire des critiques/analyses du livre, écrire soi-même une critique/analyse du livre. Mais rapidement, pas besoin d'en faire des caisses.
Pour la prise de hauteur, des petits livres suffisent. Puis la répétition, on ne retient pas tout comme ça.

Je te l'ai déjà dit je crois mais le livre qui te conviendrait le mieux est "Toujours mieux ! Psychologie du perfectionnisme." Ce perfectionnisme est aussi lié à la froideur dont tu parles dans d'autres posts.

[Oncle Barney]

Peux tu détailler cette tension dont tu parles si tu ne te focalises que sur une autre chose?

Après quoi cours tu ainsi? Est ce que ça ne te semble pas une sorte de fuite en avant? Que vas tu faire de ces connaissances?
Et d'ailleurs, rappelle moi ce que fais tu dans la vie?

[Niamey]

Il y a une différence entre lire pour soi, pour l'envie/la curiosité de l'instant et lire pour retranscrire (comme on peut le faire pour préparer un examen). Quel est ton objectif ?

C'est dommage de vouloir hiérarchiser/rentabiliser/cartographier ses lectures comme si c'était un travail de performance. Je pense que tu rentres un peu là-dedans : tu veux que tes lectures personnelles soient efficaces et facilement accessibles au lieu d'accepter le fait d'en oublier une partie tandis que le reste se dilue dans tes pensées pour former un tout à décanter un peu plus brouillon.

Tu pourrais lire et relire, prendre des notes, faire des fiches de synthèses, etc... Pour obtenir le résultat que tu attends. Mais tu risques d'y passer beaucoup de temps et d'y perdre le plaisir de lire.

[Helmut]

@Barney La tension survient si je me focalise sur une seule chose, un travail continu. J'ai comme un manque de volonté où en tout cas un dégoût qui freine ma productivité.
Dés que je m'exerce trop à quelque chose, j'ai comme une interrogation nihiliste : "A quoi bon tout ça ?"
Dans la vie je suis étudiant en Lettres. Donc les domaines évoqués participent aussi à ma formation.

@Niamey
C'est certainement lire pour soi. Mais, même si le plaisir y est, ce n'est plus comme avant. Ce n'est pas un plaisir momentané et immédiat; il me semble que c'est un plaisir de la performance, qui ne s'obtient qu'après des efforts et une tension intellectuelle.
Le fait que mes lectures se diluent en moi me donne l'impression qu'elles ne sont pas efficaces; d'où peut-être mon manque de volonté. Tout ce qui n'est pas de mémoire, tout ce qui n'est pas savoir cumulatif, me semble dénué d'inutilité et ne participe absolument pas à mon évolution.

@AutelDuLustre
Je me reconnais dans les listes énormes de vocabulaire. J'avais eu le projet fou pendant mon adolescence de classifier le Littré par thématique. Il faut dire que j'y suis arrivé, que c'était un travail fou, mais à la fin je me suis rendu compte combien c'était inutile...
Je suis capable de rebondir, de parler d'idées, d'idées d'un philosophe si on veut, mais il m'est impossible de parler de fait, d'histoire. En ce sens je ne vaux rien, car ma mémoire est quasi nulle.
Je verrais pour le livre, cela m'a l'air intéressant.
Pour la méthode, les fiches de synthèse où les résumés, je trouve ça très useless, je sais que ça ne l'est pas, mais dans mon esprit c'est catégorisé useless... Je m'ennuie profondément à en faire.

[Oncle Barney]

Envoyé par Helmut

@Barney La tension survient si je me focalise sur une seule chose, un travail continu. J'ai comme un manque de volonté où en tout cas un dégoût qui freine ma productivité.
Dés que je m'exerce trop à quelque chose, j'ai comme une interrogation nihiliste : "A quoi bon tout ça ?"

Donc on pourrait dire que tu fais feu de tout bois dans les connaissances afin de ne pas avoir cette question qui te revienne. Mais du coup, je ne comprends pas pourquoi tu ne te poserais pas cette question quant au fait d'étudier tout ces domaines. Comment tu l'expliques?
Et pour quel but finalement? La quête de la connaissance n'a pas de fin si tu ne fais pas ça dans un but précis. Tu en es conscient?

Envoyé par Helmut

Dans la vie je suis étudiant en Lettres. Donc les domaines évoqués participent aussi à ma formation.

Et tu comptes faire quel métier? Comment tu te vois dans 10 ans?

[Helmut]

Envoyé par 'Barney'

Donc on pourrait dire que tu fais feu de tout bois dans les connaissances afin de ne pas avoir cette question qui te revienne. Mais du coup, je ne comprends pas pourquoi tu ne te poserais pas cette question quant au fait d'étudier tout ces domaines. Comment tu l'expliques?
Et pour quel but finalement? La quête de la connaissance n'a pas de fin si tu ne fais pas ça dans un but précis. Tu en es conscient?

Et tu comptes faire quel métier? Comment tu te vois dans 10 ans?

A vrai dire c'est une plus une question d'ordre philosophique que d'ordre psychologique ou même professionnel.
Je pense que j'ai une vision de mon évolution qui est plus en surface qu'en profondeur, je me cherche quelque part dans ce que j'étudie, et je me dis que plus ce savoir est divers et varié, plus j'ai de chance, au lieu de me spécialiser et de m'attacher à un domaine...
Pour le but, j'imagine que la connaissance révèle le but, qu'elle ne peut être un but en soi ni même un moyen. C'est peut-être paradoxal.
Quant à ce que je serais dans 10 ans, j'imagine être un vieux étudiant qui n'aurait rien entamé de sa carrière professionnel. C'est paradoxal encore mais cette perspective me réjouis.

[Oncle Barney]

Quant à ce que je serais dans 10 ans, j'imagine être un vieux étudiant qui n'aurait rien entamé de sa carrière professionnel. C'est paradoxal encore mais cette perspective me réjouis.

Je comprends mieux maintenant.

Et si cette façon d'aborder tout ces domaines qui te passionnent était à l'origine du problème qui t'a amené à créer ce sujet?
Car tu sembles dire que cette quête de la connaissance est en fait une quête d'identité. Il est donc normal que tu assimiles ce que tu lis pour enrichir ta pensée (un peu comme si tu l'intégrais à ton ADN), ce qui a pour conséquence que tu ne peux prendre un savoir tel quel sans y toucher.

Je voudrais que tu prennes conscience dans quels engrenages tu es actuellement.
Tu as conscience que ce que tu fais depuis toujours est au final inutile. Tu es même prêt a déployer une énergie phénoménale que peu de gens sont capables de mobiliser pour des projets sans aucun but. Ex:

J'avais eu le projet fou pendant mon adolescence de classifier le Littré par thématique. Il faut dire que j'y suis arrivé, que c'était un travail fou, mais à la fin je me suis rendu compte combien c'était inutile...

Par contre, quand il est question d'agir différemment, sous les conseils des autres, tu n'y vois pas d'intérêt:

Pour la méthode, les fiches de synthèse où les résumés, je trouve ça très useless, je sais que ça ne l'est pas, mais dans mon esprit c'est catégorisé useless... Je m'ennuie profondément à en faire.

Tu parles d'ennui ici alors que ça n'est pas le sujet. Une méthode t'es donnée en réponse à ta demande initiale. Peu importe le chemin que tu empruntes, l'important est d'atteindre ton objectif, sinon à quoi bon en avoir un? Ou alors, tu ne tiens pas vraiment à organiser tes connaissances et tu te dis que tu es bien comme tu es?