PDA

Voir la version complète : L'art de se présenter


Philinte33
17/01/2017, 16h06
Bonjour à tous, je me présente : Philinte, 23 ans, et encore puceau, tout neuf – papier cadeau et ruban encore impeccables*!

Il y aurait tellement de pistes de réflexion possible à prendre pour élucider mon cas, que je ne sais laquelle aborder en premier lieu. Dans ce cas, allons au plus trivial : le rapport que j'entretiens à mon corps.

Ce n'est pas que je le déteste, ou qu'il ne me plaît pas, c'est plutôt que je refuse structurellement son existence. Le simple fait d'avoir un corps et de devoir exister à travers lui, suffit, lorsque que je concentre ma pensée sur ce point – ce qui arrive régulièrement – à me faire monter des vagues de nausées.

Il est clair qu'il y a chez moi depuis le début de mon adolescence le désir de ne plus exister que comme un pur esprit, une pure intellectualité ouverte sur une infinité de possibles*; car le problème du corps c'est qu'il limite, il me limite, lorsque que l'on possède une intellectualité créatrice comme moi, on ne comprend même pas comment un être humain puisse tolérer son corps sans pousser des cris de haine face à lui, une haine qui est là pour dire que tout ce que la volonté, et par là, la liberté et le libre arbitre ne peut définir soi-même, est haïssable parce que déterminé à l'avance.

C'est alors le sentiment poignant d'être prisonnier qui gagne ma conscience, un prisonnier de la chair qui ne pourrait s'évader que par la mort – ce qui est bien entendu exclu. De ce sentiment d'incarcération incurable dans la matérialité naît tout un tas de névroses particulièrement handicapantes au quotidien, il m'est par exemple impossible depuis presque 10 ans maintenant de m'observer dans une glace, ou de considérer mon reflet dans n'importe quelle surface qui y prête lieu ( vitrine de magasin, portière de voiture...ect ), il me faut donc à chaque fois détourner la tête comme si je m’apprêtais à découvrir en lieu est place de ma personne et de mon reflet quelque monstre effrayant sorti des profondeurs de l'angoisse.

Et l'angoisse*! Nous y voilà*! S'il y avait un mot pour aider à comprendre ce qui cause mes difficultés sociales et même vitales, ce serait celui-ci. Pour moi, un être humain est riche et raffiné à mesure que grandit en lui et se développe cette conscience de l'angoisse, c'est à mesure qu'il fait l'expérience de la fragilité existentielle qu'il est le plus à même de reconnaître la fragilité d'autrui – la même que la sienne, toujours la même – à créer en lui les liens propres à l'empathie, et, par voies de suite et de conséquences, à disposer bientôt des prises et des réceptacles, des ouvertures, nécessaires pour accueillir l'amour et en offrir à son tour.

Mais voilà*! Mais voilà*! Ces ouvertures manquent cruellement à notre chère humanité occidentale, et quand, comme moi, l'on a souffert sang et eaux pour faire grandir le sentiment d'angoisse propre à nous lier intimement à autrui, l'on se retrouve avec des richesses innombrables à donner à des gens – de jolies nymphettes du sexe féminin – qui n'en veulent pas.

Il ne suffit pas de vivre les bras ouvert, encore faut-il que nos compagnes et compagnons en humanité en fassent autant. Et à cela notre culture moderne s'y oppose, s'y oppose résolument*!
Des magazines féminins, aux sites de séduction, en passant par les romans à la mode, la publicité, tout nous dispose à entretenir des relation dépassionnées avec nos moitiés en genre.
Il faut montrer son «*détachement*» dans le processus de séduction, ne pas «* s’engager trop vite*», ne pas témoigner d'un quelconque besoin, d'une quelconque solitude interne qui fasse de nous un «*needy*», un quémandeur de l'amour et de la tendresse.
Froid, soyez froid et puissant, et vous séduirez*!


Mais quelle passion peut bien se mettre à exister sans désespoir collégialement partagé*?
Sans sentiment du tragique de soi qui rejoint et épouse le tragique de l'autre pour créer dans un déferlement passionnel, puis dans un cocon d'amour, cette chose fantastique et terrible qui n'existe qu'à la condition que, chose rare, mon cri face à l'absurde du monde ne se fasse plus seul, mais en cœur, à deux voix, dans une nouvelle mélodie harmonieuse et partagée, tout d'un coup pris de suffisamment de souffle et d'élan pour emporter avec elle tout le tragique de l'univers et reconstruire un nouveau monde, notre monde, à deux, comme des Dieux qui s'aiment et sont alors à la source de toute chose présente et à venir.


Alors n'y-t-il personne pour leur dire enfin, à toutes ces foules d'Hommes, qu'il y a tellement plus de force présentes dans la reconnaissance de sa faiblesse, que dans l'immense ignorance dont participe toujours le sentiment galvaudé de sa force*?
Et n'y a-t-il personne pour les interpeller et leur dire qu'à récuser ainsi la passion – car c'est ainsi que fonctionne la modernité qui sous des dehors hédonistes fait tout pour éteindre en nous le feu de la passion source de dérèglements – l'on s'interdit de passer par les plus hauts sommets et les plus bas fonds et abîmes de l'existence*; toute chose qui sont causes premières du fait que l'on se sent enfin réellement exister.

Combien de fois n'ai-je pas été emporté par la passion, combien de fois une femme est parvenu à faire s'échapper mon âme et lui donner envie d'un ailleurs, son ailleurs à elle dans lequel je désirais désespérément me fondre pour y mourir – car oui la passion est un anéantissement, il faut accepter de s'anéantir en l'autre, de concevoir soudain à ses propres yeux sa dépendance absolu, pour y
goûter les charmes et les dérèglements des excès vitaux.
Mais quelles sont les femmes qui seront assez fortes pour échapper au déterminisme culturel qui les pousse aux valeurs modernes de servitude de «*l'indépendance*», de «*la liberté*», «*de l'individu libre.*»

Faire de ces concepts les socles d'une société, c'est étouffer la passion amoureuse dans ses fondements pour le plus grand nombre, mais c'est aussi, comme ce que toute époque à cherché à faire sous des noms toujours différents, à s'assurer que la foule, animée de très peu de vie en elle-même et dans son cœur, se tienne tranquille, à demi comateuse, stable et prévisible.

L'histoire de ma relation aux femmes est donc celle d'un homme vivant, sur-vivant, qui contemple fasse à lui une foule de femmes à moitié mortes, que ses mots et baisers passionnés n'ont jamais réussi à ranimer suffisamment pour pouvoir donner lieu à une histoire d'amour – soupirez d'amour auprès d'un cadavre, il ne vous entourera pas de ses bras réconfortant pour autant*!

Alors je continue de rester vigilant, l'œil bien ouvert, la pupille toute dilaté, pour ne pas rater la première vivante, la première assez courageuse pour vivre – car c'est bien de cela dont il s'agit dans notre génération, d'un manque de courage à vivre, à éprouver, une fuite de l'existence et de la passion dans un nihilisme destructeur – pour qu'à nous deux ont fasse enfin émerger un peu de vie et de lumière au sein d'une foule de morts-vivants qui a décidément fait le choix de croire que l'oublie de son humanité, et par là de la passion, fait de lui une créature beaucoup moins malheureuse qu'elle ne devrait l'être en suivant sa nature première.

Il est vrai qu'un mort-vivant ne souffre plus. Mais ce qui vit en lui, ce n'est plus qu'une succession de mouvements réflexes, un mirage de l'existence qu'il lui fait croire qu'il existe encore, alors qu'il n'effectue plus qu'une série de pantomimes hagardes dans le noir.

Alors, mademoiselle, si tu m'entends, et que toi aussi tu désirs vivre, et peut-être, qui sait, réveiller tous ces morts par la force de notre passion éblouissante, je t'attends...au cœur de notre angoisse et de notre désir de l'y remplir de vie, nous ferons naître un soleil qui les redressera tous vers le chemin de l'Homme et de l'amour : douloureux, sacrificiel, mais beau, tellement plus beau que tout ce qui existe dans l'univers.