[Oncle Barney]

Voici un article de Psychologies écrit par une sexothérapeute et psychanalyste qu'on voit pas mal dans les médias - Catherine Blanc. Je trouve ça intéressant qu'une professionnelle ait ce genre de discours tout sauf manichéen sur un sujet sensible. Même si le début est un peu lourd, la suite est plutôt réjouissante.
La rubrique est "Idée reçue" et le titre de l'article s'appelle "L'amitié et le sexe sont incompatibles".

Le goût pour l'autre, disons l'amour, se décline en amitié ou en désir sexuel., c'est selon... Selon le sexe de l'autre et l'interdit ou l'élan impossible que cela pose en fonction de notre histoire singulière (sexe identique au nôtre si nous sommes hétérosexuels, différent du nôtre si nous sommes homosexuels). Plus finement encore, selon ce qui se noue inconsciemment dans la relation: la recherche de la similitude, confortée par l'amitié, ou la conquête de la différence, complétée par la sexualité.

Vouloir que l'amitié et la sexualité soient compatibles, serait-ce chercher un lien unique avec celui ou celle qui serait tout à la fois? Serait-ce vouloir une relation "totale", pour calmer cette angoisse née de la conscience du manque qu'implique notre condition humaine depuis notre naissance et notre séparation d'avec le giron maternel? Serait ce ainsi apaiser la découverte de notre spécificité sexuelle, qui nous contraint à renoncer à être nous-mêmes un tout? Ou serait-ce encore la recherche d'une âme sœur, emboîtement parfait de nos besoins et de nos désirs? Parce que l'amitié se fraye un chemin sur les rives fraternelles, nous regardons avec inquiétude un désir sexuel jugé coupable, car d'allure incestueuse. Mais pourquoi la sexualité en serait-elle responsable une fois de plus, transformant les mieux intentionnés d'entre nous en pervers sans foi ni loi, bafouant ainsi la pureté des sentiments amicaux? La tendresse et l'attachement, expressions du cœur, sont toujours considérés avec douceur. La sexualité, expression de notre génitalité, est d'office mise au pilori, accusée de nous mettre à la merci de pulsions sauvages. Un procès bien injuste, s'il en est, tant la sexualité, qu'elle soit consommée ou non, participe joliment de notre inclination à vivre ensemble et témoigne de la curiosité des êtres matures et consentants que nous sommes.

Que le sexe pleinement charnel ou fantasmé s'immisce à l'occasion dans l'amitié témoigne des ambivalences humaines, de nos élans contradictoires, de notre quête incessante de satisfaire notre soif d'inconnu et nos possibles... Et, à ce titre, s'il est expression d'une liberté paisible et incarnée, il peut enrichir, pourquoi pas, la relation amicale d'une intimité émotionnelle et de peau partagée.