Afficher un message
 
Vieux 10/09/2020, 22h26
stephub stephub est déconnecté
Nouveau Membre
 
Date d'inscription: mai 2020
Messages: 43
Par défaut

Désert

A la rentrée, j’eus quand même du mal à tourner la page Sonia pendant les premières semaines d’intégration qui étaient pourtant prévues comme un sas de décompression après la prépa. C’était une longue succession de soirées étudiantes déjantées où l’alcool coulait à flot et pendant lesquelles de nombreux couples se faisaient puis se défaisaient. Malgré ces conditions favorables, je ne chopperais aucune fille, j’avais l’impression d’être redevenu l’adolescent timide et mal à l’aise du lycée restant avec son groupe de potes en cercle fermé.
Heureusement la montagne fut une échappatoire à ma frustration, je fis beaucoup de sport, j’adorais faire des randonnées en vélo, à pied ou en raquettes à neige. Les paysages sauvages étaient magnifiques, c’était un autre monde où mes rêves avaient tout l’espace nécessaire pour se développer. Chaque sortie à la montagne était une réjouissance, un hymne à la beauté majestueuse de la nature sauvage. Ce furent mes meilleurs souvenirs de cette période.

En deuxième année je fis un semestre d’étude en Suède avec le programme Erasmus, le pays des blondes aux yeux bleus, sportives et soi-disant entreprenantes lors des soirées alcoolisées. Malheureusement je ne fis pas l’objet de leur convoitise et comme j’étais toujours aussi passif, j’avais encore moins de chance de conclure. Pourtant je sortais souvent en soirée mais cela devait se voir sur mon visage que j’étais mal à l’aise et j’avais tendance à essayer de le cacher derrière un regard sévère ce qui n’arrangeait pas les choses. Bref ce n’était pas la joie affective au pays des belles blondes.

Je déclarerais quand même ma flamme à une espagnole de mon master, au téléphone, quasiment comme un gamin et elle déclinerait gentiment. Je commençais à me résigner à cette situation d’échec ce qui était encore pire. Pourtant je n’étais pas asocial, je me faisais beaucoup d’amis et on passait de bons moments ensemble, je faisais notamment la connaissance de Thibault, un autre français que je retrouverais à Paris des années plus tard et dans de bien meilleures dispositions. C’était juste sur les filles que je faisais un blocage.

Le mirage de l’oasis

Une lueur d’espoir apparut lorsque Sonia me recontacta sur MSN. On ne s’était pas parlé depuis quasiment un an, elle était désormais étudiante en première année à HEC Paris, la classe.
Dans certaines situations bien particulières comme notamment par écrans interposés, je pouvais devenir drôle et incisif, peut-être grâce à l’absence du regard de l’autre. La conversation se passa bien et on continua d’échanger régulièrement, je reprenais espoir. On discuta même de la possibilité de se revoir soit à mon retour en France ou bien à Milan quand elle y serait pour Erasmus à son tour quelques semaines plus tard.
Ce fut désormais mon mirage d’oasis que je garderais en ligne de mire dans l’espoir de sortir enfin de mon désert sexuel et affectif. Mais c’était trop beau pour être vrai, le chemin était encore long et semé d’embûches.

Troisième regret

On mit du temps à trouver un week-end de libre, je commençais à m’impatienter quand, par le plus grand des hasards, je découvris que le Bureau Des Arts (BDA) de mon école organisait un voyage à Milan : incroyable coïncidence ! Il n’en fallut pas plus pour me redonner espoir. Je me jetai sur l’occasion et m’inscrivis illico. Mon pote et colloc, Vincent, serait du voyage.
J’étais à la fois ému et stressé à l’idée de retrouver Sonia après tout ce temps. Nous faisions le voyage en bus de nuit, c’était long mais on finit enfin par arriver au petit matin. Nous avions prévu de nous retrouver avec Sonia sur la place centrale de Milan, la Piazza del Duomo. Vincent m’accompagnait. Soudain, une envie pressante me précipita dans les toilettes d’un restaurant afin de me délester prestement. C’était peut-être une solution pour mon corps d’évacuer la pression… Une fois l’esprit et l’estomac allégés je m’apprêtais enfin à retrouver l’élue de mon cœur après toutes ces épreuves.

Sonia était toujours aussi jolie. On se balada dans la ville en se racontant nos histoires, en comparant les us et coutumes italiens, français et suédois. Puis nous allâmes chez Sonia déposer mes affaires car j’y étais hébergé pour la nuit, sa colloc étant parti en vacances. Décidément je commençais à me dire que j’avais beaucoup de chance. On déjeuna dans son appart, elle m’avait même cuisiné un gâteau pour mon anniversaire : j’étais comblé et ma confiance en fut renforcée. On se balada toute l’après-midi puis nous rejoignîmes le groupe de mon école dans un restaurant. Sonia fit une entrée remarquée, elle sortait du lot des filles en école d’ingénieurs, et ce n’était pas pour me déplaire. Je pris un air détaché comme si j’étais sûr de moi en la laissant discuter avec d’autres sans m’incruster, sachant de toute manière que c’était moi qui rentrerais avec elle après la soirée.

Mais dès que l’on se retrouva tous les deux sur le chemin du retour, ma confiance s’effrita et mon corps se raidit. Était-ce le bon moment pour lui prendre la main, lui dire que je l’aimais et l’embrasser ? Toutes ces questions s’agitaient dans ma tête sans prise de décision de ma part dans un silence gêné. Finalement nous arrivâmes chez elle et nous nous souhaitâmes une bonne nuit.
Seul dans ma chambre, le spectre de mon échec avec Elodie refit surface, je me retrouvais dans la même situation. Je n’allais quand même pas laisser passer ça et revivre cette déception ! C’en était trop, je rassemblai mes forces et m’avançai dans le couloir vers sa chambre, mon cœur battait la chamade. Je frappai doucement à sa porte, Sonia ouvrit d’un air interrogateur et je lui demandai tout de go si elle avait eu un copain après moi. Je pensais naïvement et par orgueil que non mais elle me répondit par l’affirmative : première flèche dans le cœur ! Un peu déstabilisé je lui demandai comme un adolescent prépubère si elle voudrait bien sortir avec moi. Elle fut surprise et me dit que notre histoire remontait à longtemps (deux années s’étaient écoulées), que l’on venait à peine de se revoir donc c’était trop tôt. J’acquiesçai avec gêne puis je baragouinai quelques mots d’excuse et me retirai piteusement dans ma chambre.
J’étais sonné. Pourtant j’aurais pu relativiser, ce n’était pas un refus, simplement un appel à la patience mais le fait qu’elle avait eu d’autres histoires après moi me renvoyait à la face ma condition pitoyable de naïf timide sans expériences. Comment avais-je pu imaginer qu’elle fut restée seule pendant si longtemps comme moi ? Je n’arrivais pas à dormir, j’en vins à me branler dans un désespoir total, remplis de frustration et d’impuissance.

Le lendemain matin j’étais en très mauvaise forme, mon orgueil blessé se transforma en colère sourde et Sonia le perçut. Elle me demanda si je comptais déjeuner avec mes amis et je l’interprétai comme un moyen pour elle de se libérer de moi. Je le pris mal et m’en allai précipitamment en lui disant à peine au revoir. Quelques heures plus tard, elle m’envoya un texto amical en me disant que c’était dommage que je fusse parti si vite. Ce fut seulement à ce moment que je pris conscience de ma méprise, encore une fois j’avais mal interprété et je m’étais emmuré dans mon silence. J’essayai de l’appeler puis je lui envoyai un texto me confondant en excuses et en regrets. Trop tard il était temps de partir.
Le retour en bus fut long mais propice à la réflexion, j’étais surpris de mon comportement avec Sonia, comme si je découvrais une autre personne en moi. C’est souvent face à l’autre que l’on apprend qui nous sommes vraiment au fond de nous. Comment avais-je pu foutre en l’air une telle chance ?

Une fois rentré, j’écrivis un mail à Sonia où je revenais sur ce qu’il s’était passé et j’essayais d’expliquer ma méprise tout en m’excusant de mon empressement. Elle me répondit d’un ton aimable que je l’avais effectivement mal compris, qu’elle avait bien l’intention de venir déjeuner avec moi et mes amis mais comme j’avais l’air fâché contre elle, le doute s’était installé. Elle n’était pas choquée par ma proposition de se mettre ensemble mais simplement surprise étant donné que l’on venait à peine de se revoir après quasiment deux ans d’absence.
J’ai oublié de préciser lors de la soirée fatale à Milan, qu’après que Sonia ait répondu à ma question sur sa vie sentimentale, je lui avais menti pour sauver la face en disant que moi aussi j’avais eu des histoires et comme ça n’avait pas marché je pensais que je pourrais réessayer avec elle. Sonia me faisait gentiment remarquer que cette phrase était maladroite. A la lecture de ce message, mon cœur s’emballa à nouveau : donc tout n’était pas perdu, quel idiot ! Je décidai de me confier à elle et tout lui expliquer, je lui avouai n’avoir eu aucune relation après elle, que j’étais conscient que c’était très étrange et que je n’avais pas d’explications puis je lui déclarais ma flamme, qu’elle me plaisait énormément et que j’espérais de tout cœur la revoir. J’étais un enfant désespéré qui tendais la main à sa maman en espérant être secouru. Il n’y aurait pas de réponse, je l’accepterais avec fatalisme et résignation.

Quelques jours après, je choppais une nana très moche en étant bourré, je la tripotais sur la piste de dance tandis qu’elle me racontait des histoires graveleuses, je finis par fuir de honte. Voilà où en était mon état affectif à ce moment.
Heureusement, du côté des études ça se passait bien, j’avais de bons amis et je me dépensais sans compter à la montagne, c’était mes bouées de sauvetage.

Dernière modification par stephub ; 12/09/2020 à 22h21
Réponse avec citation